jeudi 17 mars 2016

Arabes, Quels sont vos jours de honte ?



Le Conseil de coopération du Golfe (CCG) a finalement obtenu ce qu’il voulait. Au cours d’une réunion, le mois dernier, le CCG et d’autres ministres des Affaires étrangères arabes ont condamné l’Iran pour les violences commises contre l’ambassade saoudienne. Le ministre libanais des Affaires étrangères, Basil, membre pro-Hezbollah de la coalition du 8 mars, s’est abstenu. En conséquence, le Liban a été puni par l’Arabie saoudite lorsque celle-ci a décidé de ne pas honorer son contrat d’aide de 4 milliards de dollars envers l’armée et la police libanaise.


Puis, quelques semaines plus tard, les ministres de l’intérieur arabes, réunis à Tunis, ont déclaré le Hezbollah libanais organisation terroriste. Le ministre libanais de l’Intérieur, Mashnouk, membre de la coalition du 14 mars d’Hariri, s’est aussi abstenu de voter.

Cette famille royale totalement débauchée, ces mêmes criminels qui meurent d’obésité et de diabète qu’ils se sont eux-mêmes infligés, alors même qu’ils affament le Yémen à coup de bombes, ces mêmes gens qui ont dépensé des milliards de dollars pour tuer des Syriens dans l’espoir de remplacer son gouvernement séculier par un État islamique, cette famille maléfique dont la poigne de fer crée le chaos et des guerres entre Arabes et musulmans alors qu’elle n’a jamais tiré la moindre balle contre Israël, cette famille de cinglés a en plus l’audace de prendre l’initiative de déclarer le Hezbollah organisation terroriste. Quelle drôle d’époque.

Mais ce qui est le plus significatif dans cette histoire est le silence des médias occidentaux sur cette information. Essayez de faire des recherches sur Google avec n’importe quel mot clé et vous n’y trouverez aucune référence dans les agences de presse occidentales de référence. Un fait vraiment intéressant.

Mais ce qui est encore plus intéressant, pour un observateur, est que très souvent les médias occidentaux font le buzz avec ce qu’ils pensent être une tornade pour le monde arabe alors que, dans celui-ci, personne n’en parle ou ne se sent réellement concerné.

Les sujets concernant par exemple une intervention d’infanterie militaire saoudienne en Syrie ou leur prétendue possession de l’arme nucléaire sont à peine discutés au Levant ou dans le grand Moyen-Orient. Ils sont considérés comme des blagues de mauvais goût. De tels sujets ne semblent faire les gros titres qu’en Occident.

Mais revenons à la réunion de Tunis. Les États arabes n’ayant pas voté en faveur de la résolution sont le Liban, la Tunisie, l’Algérie et l’Irak. Et là, je me demande si les lecteurs vont y comprendre quelque chose… La Palestine, celle représentée par Abbas, le dirigeant de l’Autorité palestinienne, a voté en faveur de cette résolution décrétant le Hezbollah organisation terroriste.

Quant au Hamas, qui n’est pas reconnu comme représentatif du peuple palestinien, Hismail Haniyye, qui est dans la poche du Qatar, il aurait aussi probablement voté en faveur de la résolution si on le lui avait demandé. Mahmoud Zahhar, un important dirigeant du Hamas, a, par contre, condamné la résolution. Cela n’est pas surprenant, car Zahhar avait rompu les rangs lorsque les dirigeants du Hamas se sont disputés avec le Qatar à propos de la Syrie. Zahhar a toujours été la voix de la raison au Hamas. Le Jihad islamique palestinien, le PFLP et le quartier général du PFLP ont aussi condamné la résolution, mais Mahmoud Abbas est resté silencieux. Il doit probablement se sentir trop honteux pour faire le moindre commentaire, car même si son cœur est avec le Hezbollah, il ne peut aller à l’encontre de ce que lui ordonnent les Saoudiens.

La position palestinienne ne devrait pas surprendre les observateurs attentifs. À l’époque, le Hezbollah a inventé la technique de creusement de tunnels et l’a transmise aux dirigeants du Hamas pour les aider à combattre les Israéliens à Gaza. Quand la guerre contre la Syrie a débuté et que le Hamas a décidé de s’aligner sur le Qatar contre la Syrie et son peuple, le Hamas a transmis ces techniques aux terroristes. Tous les tunnels autour du Grand Damas, surtout ceux du Jobar, ont été construits grâce au savoir faire du Hamas qui a été transmis aux terroristes. Il n’est donc pas impossible d’envisager le Hamas votant contre le Hezbollah.

Le Hezbollah bénéficie d’un soutien conséquent de la part des partis arabes progressistes et, alors que ses représentants ont exprimé peu de réponses verbales aux Saoudiens, il semble que celui ci n’essaie pas de faire monter la pression contre l’Autorité palestinienne. Dans un article en arabe publié dans Al Manar, le 3 mars 2016, intitulé : L’Autorité Palestinienne et la résolution « terroriste » contre le Hezbollah, l’auteur commence son article en disant qu’il n’est pas surpris de voir les Saoudiens s’en prendre au Hezbollah. Il se demande par contre, dans le paragraphe suivant, comment l’Autorité palestinienne s’est permis de rejoindre le gang en approuvant la résolution contre le Hezbollah. Celui-ci n’est il pas en lutte contre Israël ? N’a-t-il pas libéré des terres arabes de l’occupation ? N’a-t-il pas toujours soutenu la Palestine ? Voilà le genre de questions qu’il s’est posé. Mais les représentants officiels du Hezbollah n’ont pas semblé vouloir s’engager dans une rhétorique anti-Autorité palestinienne. Visiblement, ils n’ont pas voulu fournir plus de munitions à leurs adversaires et ne veulent pas être considérés comme se levant contre les Palestiniens, pas même leurs autorités corrompues par l’argent saoudien.

La fracture dans le monde arabe atteint des niveaux sans précédent. Le camp pro-occidental représenté par l’Arabie saoudite et ses partisans s’est abaissé à des niveaux que l’on pensait impossibles auparavant.

Même si l’Arabie saoudite est à genoux financièrement, empêtrée dans une guerre ingagnable au Yémen et perdant tout contrôle dans la guerre contre la Syrie, elle a encore quelques milliards en réserve qu’elle peut toujours utiliser pour s’acheter des amis quand elle en a besoin.

Et alors qu’elle continue à dépenser des milliards pour ses campagnes de terreur servant à déstabiliser la région, alors qu’elle finance toutes les écoles coraniques fondamentalistes autour du globe, elle a renié sa promesse de financement de l’armée libanaise sous prétexte que le gouvernement et l’armée libanaise sont devenus des outils aux mains du Hezbollah et de l’Iran.

Alors que le camp saoudien devient plus audacieux, suffisamment audacieux pour voter contre le Hezbollah qui est la seule armée à déranger la sécurité israélienne, la seule organisation arabe à avoir repris des terres à Israël, la seule armée arabe à avoir vraiment menacé Israël en profondeur, alors personne ne doit s’attendre à quoi que ce soit de positif d’États arabes pro-saoudiens qui sont géographiquement éloignés de la Palestine. Si les Palestiniens eux-mêmes ne savent pas discerner qui sont leurs amis ou leurs ennemis dans leur combat contre Israël, pourquoi les Marocains le devraient ils ?

Et si le peuple palestinien n’aime pas ce que fait son gouvernement, pourquoi ne descend-il pas dans la rue en signe de protestation ? On rapporte quelques petites manifestations, mais rien de sérieux.

Il n’existe qu’un mot pour décrire la réaction palestinienne, écœurant, mais dans ce contexte littéraire je m’en tiendrai à consternant.

Si l’on remonte le temps de quelques années en arrière, on se souvient très bien comment l’Autorité palestinienne et le Hamas s’était unis contre le gouvernement syrien. On devrait pourtant se rappeler aussi que sans le gouvernement syrien et son aide envers les différentes organisations palestiniennes dans les années 1970, elles auraient disparu. Après tout, le quartier général officiel du Hamas s’est tenu à Damas pendant de nombreuses années et c’était de Syrie que Khaled Mashaal opérait jusqu’à ce qu’il déménage pour les hôtels 5 étoiles du Qatar et d’Istanbul.

Les Palestiniens soutiennent une grande cause mais, en majorité, leurs dirigeants ne sont rien d’autres que des gredins, des gredins sans la moindre reconnaissance. Et comment pourrions-nous oublier ce qui s’est passé au Liban ?

C’est à cause du soutien de presque la moitié des Libanais à la cause palestinienne que les divisions politico-religieuses déjà existantes se sont élargies et ont entraîné le pays dans une guerre civile en 1975. Les Palestiniens ont eu une grande responsabilité en versant de l’huile sur le feu car leurs seuls objectifs étaient ce qu’ils pouvaient en retirer, tout en se fichant complètement des destructions infligées au Liban en conséquence.

La rupture entre Arafat et Assad père en 1976 a été causée par l’insistance d’Arafat envers la soi disant décision palestinienne. Assad a, en vain, essayé de le convaincre que le conflit israélo-arabe dépassait largement la sphère palestinienne. Il a essayé de le convaincre que le sujet était aussi important pour la Syrie qu’il l’était pour la Palestine. Il lui a rappelé que la Palestine est une région méridionale de la Syrie. Tout cela pour rien. Arafat voulait rester maître de ses décisions même si cela foutait en l’air le monde arabe entier autour de lui.

Un demi-siècle plus tard, les dirigeants palestiniens ne sont pas aussi dogmatiques et endoctrinés que l’était Arafat. Ils sont tout simplement des vendus. Les dirigeants de l’Autorité palestinienne se sont mis à aimer l’argent du pétrole saoudien, et les dirigeants du Hamas sont à vendre ou à louer en échange de n’importe quel argent sunnite. Il n’y a aucune différence entre les deux.

Pendant que le camp saoudien continue à s’abaisser de plus en plus bas, le camp de la résistance s’organise, devient plus puissant, plus victorieux et se rapproche de la victoire.

Quelle date dans l’Histoire aura marqué le plus grand jour de honte pour les Arabes ? 
On a toujours dit que ce jour était le 5 juin 1967, lors de la guerre des Six jours. Le décret du 3 mars 2016, signé par les ministres de l’Intérieur arabes à Tunis, tombe pourtant encore plus bas et l’on se demande même s’ils ne sont pas disposés à s’abaisser encore plus. Quelle honte !
Par Ghassan Kadi – Le 7 Mars 2016 – thesaker.is
Article original paru sur The Vineyard of the Saker.
Traduit par Wayan, relu par Diane pour le Saker Francophone.