vendredi 25 mars 2016

Rien n’a changé depuis Charlie Hebdo

« Nous vivons un moment tragique, un moment noir pour notre pays », a déploré le premier ministre belge Charles Michel.
Le 22 mars bruxellois, une réplique du 13 novembre parisien. Un scénario similaire : des explosions à des endroits stratégiques à peu de temps d’écart. Plusieurs dizaines de personnes décédées, des dizaines de blessés, du sang, beaucoup de terreur. Et pourtant… tout cela était prévisible.

Rien n’a changé depuis Charlie Hebdo. Aucune leçon n’a été tirée de ce drame. Bien sûr que les actes terroristes sont condamnables et impardonnables, mais je pense de plus en plus qu’ils font l’affaire des dirigeants occidentaux. Les médias officiels nous parlent avec émotions des victimes et de leurs familles. Je ne peux que m’incliner devant leur souffrance et souhaiter du fond du cœur que les coupables soient punis. Avec un peu d’effort et de réflexion, il serait facile de comprendre la logique de cette guerre sans merci et de mettre un frein à toute cette violence. De trouver les véritables responsables.
Aujourd’hui, l’EI a revendiqué les attentats de Bruxelles, comme il a revendiqué plusieurs autres attentats ces derniers mois. N’oublions pas la vague d’attentats qui a sévi en Irak et a fait des centaines de blessés et de morts, presque CHAQUE JOUR. Les faits ont été relatés dans les médias, mais n’ont pas donné lieu à une campagne médiatique au contenu émotionnel aussi fort que pour Charlie Hebdo ou le 13 novembre à Paris. Deux poids deux mesures. Je n’ai jamais vu la Tour Eiffel aux couleurs de l’Irak. À moins que j’aie manqué quelque chose? Mes amis Facebook n’ont pas recouvert leur photo de profil du drapeau irakien. Les médias sociaux ne se sont pas mobilisés avec autant de ferveur pour pleurer les centaines de milliers de victimes irakiennes.
Je ne suis pas insensible à la souffrance du peuple belge. Je n’ai pas été insensible à la souffrance de mes compatriotes le 13 novembre. Mais je refuse une pseudojustice au service d’un système fondé sur l’inégalité. Daech possède beaucoup de pétrole et les États-Unis et certains pays européens en profiteraient, selon les dires de Janusz Korwin-Mikke, député européen de la Pologne. Poutine a accusé son homologue turc Edorgan et sa famille de servir d’intermédiaire en achetant du pétrole à Daech avant de le revendre aux États-Unis et à d’autres pays européens. Au Canada, le prix de l’essence à la pompe a chuté à la grande joie des automobilistes, mais au grand désespoir des Albertains. Cette province a vu son taux de chômage grimper à 7 %, les mises à pied s’y comptent par milliers et la province prévoit un déficit de 6,1 milliards de dollars pour 2015-2016.
Cela m’amène tout naturellement à me poser une question : qui a intérêt à voir le prix du pétrole chuter? Les consortiums pétroliers qui peuvent s’approvisionner à bon marché en profitant du pétrole de Daech et les grosses entreprises, les multinationales, qui peuvent produire à moindre coût. Les pouvoirs politiques occidentaux ont tout intérêt à déstabiliser le Moyen-Orient pour mieux asseoir leur pouvoir et justifier les mesures de surveillance et de répression mises en place par leurs gouvernements au nom de la démocratie et de la sécurité. Mesures qui ont prouvé leur inutilité avec les attentats de Bruxelles. N’y aurait-il pas une volonté concertée de déstabiliser l’ensemble de la planète au profit d’une poignée d’intéressés qui peuvent ainsi se remplir les poches et resserrer leur contrôle sur l’ensemble des institutions financières, des consortiums industriels et des pouvoirs politiques? La chute « volontaire » du prix du pétrole ne serait-elle pas due à l’approvisionnement auprès de Daech? Les attentats commis par État islamique ne pourraient l’être sans la complicité des  États-Unis et des pays européens, sans oublier celle des fabricants d’armes. Il a été démontré que des pays occidentaux, dont les États-Unis et la Russie, vendent des armes à Daech.
Toutes les mesures mises en place pour lutter contre le terrorisme n’ont fait qu’accroître les tensions sans empêcher de nouveaux attentats. L’état d’urgence, une mesure d’exception qui dure, a exacerbé les passions, la colère, l’intolérance et le racisme en créant un climat d’insécurité et de peur. Dans une entrevue, remontant à bientôt dix ans, Amy Goodman de Democracy Now me disait : « le gouvernement américain excelle lorsqu’il s’agit d’instiller la peur ». Les pays européens ont bien appris de leur grand frère.
Aujourd’hui, la tristesse m’envahit quand je pense aux victimes d’hier, tout comme elle m’a envahie quand je pensais aux victimes en Irak, au Mali ou en Turquie. Une tristesse accompagnée d’une immense colère devant la tragédie qui se déroule sur la scène mondiale. Nous faisons l’objet d’un lavage de cerveau à grande échelle. En tant qu’individu, nous avons le choix et le devoir de résister en utilisant notre intelligence et notre bon sens. Laissons la raison l’emporter sur nos émotions si nous voulons éviter de nous laisser emporter par le chaos. Pleurons les victimes, refusons le terrorisme et la violence, défendons nos droits civils et ce qui reste de la démocratie. Refusons l’aveuglement en ces moments tragiques. Recherchons l’amour au fond de nos cœurs. Luttons contre le mensonge et la désinformation et surtout fuyons l’hystérie collective.
Claude Jacqueline Herdhuin
Auteure, chercheure