mardi 10 janvier 2017

Shai Masot, le Machiavel israélien pris la main dans le sac

Shai Masot a facilement endossé son rôle de « conseiller politique » à l’ambassade israélienne de Londres. Mais ses méthodes machiavéliques l’ont mené à sa perte. Shai Masot s’est un jour défini comme quelqu’un d’ « ouvert » et totalement engagé à faire le bien dans le monde, pour ensuite déclarer son admiration envers Nicolas Machiavel, personnage tristement célèbre pour promouvoir ruse et duplicité dans la conduite des affaires publiques, avouant même qu’il le vénérait comme un « dieu ».
Shai Masot (capture d'écran)
C’est sans doute une contradiction révélatrice du caractère de l’ancien « conseiller politique » à l’ambassade d’Israël à Londres. La vidéo diffusée samedi le montre en train de conspirer à « faire partir » Alan Duncan, député britannique et adversaire virulent des colonies israéliennes illégales en Cisjordanie.
Seulement voilà, il existe une notable différence entre Masot et son « dieu », et elle est de taille : Machiavel ne s’est jamais laissé prendre la main dans le sac. Masot, en pénitence de ses péchés, quittera bientôt le Royaume-Uni, et si le gouvernement britannique considère le dossier « clos », on peut s’attendre à l’avenir à des révélations plus détaillées de ses manigances au sein de l’établissement politique britannique.
Dans la déclaration où elle condamne les agissements de Masot, l’ambassade israélienne a essayé de le faire passer pour un employé sans grande importance. Dans la conversation filmée, Masot a révélé certains détails de sa biographie, qui font apparaître sans ambiguïté que ses fonctions sont tout sauf celles d’un obscur stagiaire à cette ambassade.
Il est évident que de gros efforts ont été déployés pour limiter les dégâts : une grande partie de sa présence en ligne a été effacée – son profil Twitter n’est plus public et il est impossible de retrouver la moindre de ses pages Facebook – et pourtant on a un aperçu de sa psychologie en consultant son profil de « couch-surfer » (voyageurs se faisant héberger par des hôtes inscrit sur les sites ad hoc), publié en 2013 et qui était lui aussi public, avant son retrait samedi.
« Je m’intéresse aux relations internationales et à la politique,  cela fait dix ans que je travaille dans le domaine et j’ai l’intention d’approfondir la question à l’avenir. Je suis quelqu’un de spontané, philosophe, ouvert, j’apprécie les gens bons et cherche à faire le bien dans le monde.
« Philosophie : nous réussissons tous mieux quand nous travaillons ensemble. Nos différences importent, certes, mais ce qui prime c’est notre humanité commune.
« Livres : Nicolas Machiavel est mon dieu ! »
On sait que Masot a servi dans la marine pendant huit ans, pour se hisser au grade de commandant. On le voit en 2013 en photo sur le site internet du COGAT, un  bureau sous la direction du ministère israélien de la Défense, chargé de "l’application de la politique gouvernementale en Judée et Samarie [Cisjordanie] et dans la bande de Gaza ".
Masot a été photographié faisant faire le tour du propriétaire à des dignitaires africains visitant la clôture autour du périmètre de Gaza. Il arbore les insignes d’un capitaine de la marine israélienne (appelé « seren »).

Photo de Shai Masot sur le site internet du Cogat en 2013
Lors de la discussion filmée clandestinement, on entend Masot prétendre avoir obtenu un master en Relations internationales et avoir ensuite travaillé pendant deux ans pour le ministère israélien de la Défense.
Quelque temps après sa promotion au grade de commandant, Masot s’est essayé à la diplomatie, et a visiblement déménagé à Londres, après la création de son profil de « couch-surfer ». Il a officiellement travaillé pour le ministère des Affaires stratégiques, au cœur du système créé par Netanyahou pour lutter contre le mouvement « boycott, désinvestissement et sanctions », que Netanyahou a qualifié de menace sur les intérêts vitaux de l’État.
Voici comment il parle de son travail à ce nouveau ministère : « Le poste qu’ils m’ont proposé impliquait d’assurer la liaison entre les communautés internationales du monde entier ».
Bien qu’on l’entende sur le film avouer qu’il n’est pas « diplomate de carrière », Masot s’est rapidement intégré dans les cercles de tous les partis politiques britanniques importants.
En novembre 2015, il a participé à diverses rencontres, dont des pourparlers en qualité de « diplomate » et « de responsable politique », en compagnie des membres du Forum musulman conservateur (affilié aux Frères Musulmans). Participait aussi Eitan Naeh, chargée d’affaires à l’ambassade israélienne de l’époque, où il exerçait ses fonctions au nom d’un futur nouvel ambassadeur.
Le même mois, on le voit en présence de membres des Amis des démocrates libéraux d’Israël.
En juillet l’an dernier, et suite à la nomination de Mark Regev aux plus hautes responsabilités de l’ambassade, Masot figurait sur plusieurs photos d’une autre réunion du Forum musulman conservateur, cette fois-ci en qualité de « haut-conseiller politique ».
Il figurait aussi aux côtés de Regev, lors d’une réunion de la conférence du Parti travailliste de l’an dernier.
Masot et Regev lors de la conférence du Parti travailliste, en 2016 (capture d’écran)
Or, ce sont ses relations avec Maria Strizzolo, ancienne assistante parlementaire du député conservateur Robert Halfon et leurs conversations prévoyant de « faire partir » certains députés britanniques, qui l’ont conduit à sa perte.

Chute

La carrière diplomatique de Masot s’est donc conclue abruptement, et ses anciens partisans se mettent aux abris.
Au journal The Guardian, Strizzolo a expliqué : « Shai Masot est un ami et nos relations ne sont pas professionnelles. Il n’est pas quelqu’un avec qui j’ai déjà travaillé ou conclu quelque accord politique que ce soit au-delà de nos bavardages politiques, comme le font des millions de gens, quand ils sont en société. »
Un peu plus tard, elle a démissionné de son poste au ministère de britannique de l’Éducation qu’elle occupait depuis peu.
Regev et l’ambassade israélienne se sont aussi distanciés de Masot. Il n’était pas un « conseiller politique » comme lui-même et d’autres ont pu l’affirmer – mais un « membre subalterne » du personnel.
« Ces propos ont été tenus par un employé d’ambassade subalterne, qui ne saurait se prétendre diplomate israélien », a déclaré l’ambassade samedi. Et d’ajouter : « il sera incessamment mis fin aux fonctions de Masot à l’ambassade ».
Déclaration visiblement en totale contradiction avec ce que l’on sait.
Dans ces enregistrements, Masot lui-même se targue de son amitié avec Regev mais, en bon suppôt de Machiavel, il le conchie tout en ayant l’air d’en faire la louange.
« Mark Regev ?... Oui, c’est un bon ami à moi. Sûr, c’est un chic type, mais ce n’est pas le genre à partir en guerre. »
Masot aurait peut-être dû retenir les mots de son « dieu », Machiavel, dans un ouvrage fondamental, Le Prince : « Les amis qu’on s’est fait à grand renfort de récompenses et non par grandeur et noblesse d’âme, sont des amis bien mérités, mais pas de vrais amis, et l’on ne saurait leur faire confiance dans l’adversité ».
8 janvier 2017
Traduit de l’anglais (original) par dominique@macabies.fr.
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Comment un diplomate israélien a travaillé au cœur du Parti travailliste pour mettre à mal Corbyn

Des enregistrements secrets révèlent comment un agent politique de l’ambassade a cherché à créer des organisations et des groupes de jeunesse pour promouvoir l’influence israélienne au sein du Parti travailliste britannique
Masot a qualifié les partisans du leader travailliste Jeremy Corbyn (photo) de « tarés » et d’« extrémistes » (AFP)
Des enregistrements secrets vus par Middle East Eye ont révélé comment un diplomate israélien a cherché à créer des organisations et des groupes de jeunesse pour promouvoir l’influence israélienne au sein du Parti travailliste, dans le cadre d’un effort visant à mettre à mal le leadership de Jeremy Corbyn au sein du parti d’opposition.
Dans des conversations secrètes filmées par un journaliste infiltré, Shai Masot, agent politique de haut rang à l’ambassade d’Israël à Londres, a décrit son projet de création d’une branche de jeunesse de l’organisation Labour Friends of Israel (LFI – « Amis travaillistes d’Israël ») et a révélé qu’il avait mis en place d’autres organisations par le passé.
Masot a émis l’idée de faire participer des délégations de membres du Parti travailliste à des voyages en Israël et a indiqué à Joan Ryan, présidente des LFI, qu’il s’était vu accorder 1 million de livres (environ 1,15 million d’euros) pour financer d’autres visites.
Il a également affirmé avoir créé un groupe appelé « City Friends of Israel » en collaboration avec l’AIPAC, une organisation de lobbying pro-israélien influente aux États-Unis.
Qualifiant le leader travailliste Jeremy Corbyn de « fou », Masot a expliqué qu’il avait créé une branche pour les jeunes des Conservative Friends of Israel (« Amis conservateurs d’Israël ») en 2015 et qu’il souhaitait en faire de même au sein du Parti travailliste, mais qu’il n’y était pas parvenu en raison de la « crise » qui a entouré l’élection de Corbyn à sa tête.
Masot a également qualifié les partisans de Corbyn de « tarés » et d’« extrémistes ».
Corbyn est considéré comme favorable au mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), que Masot explique avoir été chargé de discréditer et de mettre à mal à un autre moment des enregistrements.
Le mandat de Corbyn au pouvoir a été marqué par une révolte de députés contre sa présidence et par un déclin du parti dans les sondages, tandis qu’il a également présidé un différend au sein du parti portant sur la prétendue présence – et tolérance – d’opinions antisémites parmi les membres.
Les conversations ont été filmées secrètement par un journaliste infiltré d’Al-Jazeera se faisant passer pour un activiste pro-israélien, qui a gagné la confiance de Masot et infiltré son cercle si efficacement qu’il a lui-même été chargé de créer Young Labour Friends of Israel, la branche de jeunesse des Amis travaillistes d’Israël.
Dans une conversation ultérieure, Masot a souligné que l’organisation devait rester indépendante mais a réitéré que l’ambassade d’Israël pouvait aider.
Interrogé quant à savoir s’il avait créé d’autres groupes au Royaume-Uni, il a déclaré : « Rien que je puisse partager, mais ouais. »
Il a ensuite poursuivi : « Ouais, parce qu’il y a des choses qui se passent, tu sais, mais c’est une bonne chose de laisser ces organisations indépendantes. Mais nous les aidons, en fait. »
Shai Masot a été filmé secrètement pendant plusieurs mois (Al-Jazeera)
Le journaliste infiltré a également filmé des activistes travaillistes pro-israéliens qui décrivaient le soutien financier qu’ils avaient reçu de l’ambassade d’Israël.
Dans une conversation filmée à l’extérieur d’un pub londonien, Michael Rubin, agent parlementaire pour LFI et ancien dirigeant de Labour Students (« Étudiants travaillistes »), a indiqué : « Shai m’a parlé et m’a dit que l’ambassade israélienne pouvait aussi avoir un peu d’argent, ce qui est une bonne chose... Il a dit qu’il était heureux d’aider en quelque sorte à financer quelques événements pour faciliter les choses, donc je ne pense pas l’argent doive vraiment être un problème. »
Rubin a également expliqué que Masot et lui « travaill[aient] de manière vraiment étroite... Mais cela se fait beaucoup en coulisses ».

Les dernières révélations surviennent alors que le gouvernement britannique a fait face ce dimanche à des appels de plus en plus nombreux à l’ouverture d’une enquête sur les agissements de Masot, un agent politique haut placé basé à l’ambassade d’Israël à Londres qui a été secrètement filmé en train de conspirer pour « faire tomber » des ministres au gouvernement et des députés considérés comme étant source de « problèmes » pour Israël.
Parmi ces responsables figuraient notamment Alan Duncan, un ministre des Affaires étrangères, qui a été l’un des détracteurs les plus virulents du programme illégal israélien de colonisation en Cisjordanie, ainsi que Crispin Blunt, président influent de la Commission des affaires étrangères du parlement britannique.
Les enregistrements ont également révélé l’étendue de l’influence israélienne au sein du Parti conservateur au pouvoir, lorsqu’une assistante de Robert Halfon, ministre d’État rattaché au Département de l’Éducation, s’est vantée d’avoir placé des questions parlementaires et a déclaré que « presque » tous les députés conservateurs étaient membres des Amis conservateurs d’Israël.
Masot a déploré que le Parti travailliste sous Corbyn – qui a décrit le groupe palestinien du Hamas et la milice libanaise du Hezbollah comme des « amis » lors d’une rencontre avec des activistes en 2009 – s’est révélé plus difficile à influencer, en dépit de ses liens historiques avec Israël.
« Peu de gens veulent être affiliés, explique Masot dans l’enregistrement vidéo. Évidemment, quand ils deviennent députés, ils ne sont pas affiliés et puis c’est tout, la chaîne est terminée. Parce que pendant des années, la première chose que chaque député faisait en rejoignant le parlement était de rejoindre les LFI. »
Dans des images filmées lors de la conférence travailliste en septembre dernier à Liverpool, Masot est aperçu en train de discuter avec Joan Ryan, députée d’Enfield North, une circonscription du Grand Londres, en vue d’une prochaine visite de membres des LFI en Israël.
« Qu’est-il arrivé avec les noms que nous avons mis à l’ambassade, Shai ?, a demandé Ryan.
- Nous avons l’argent à l’instant même, c’est plus d’un million de livres, cela fait beaucoup d’argent, a répondu Masot.
- Je le sais, cela doit être le cas, a affirmé Ryan.
- Et maintenant, j’ai l’argent d’Israël, alors... Pas l’argent physique, mais une approbation, a poursuivi Masot.
- Je ne pensais pas que vous l’aviez dans votre sac ! », a plaisanté Ryan.
Suite à cet échange, Hugo Swires, député conservateur qui préside le Conseil conservateur pour le Moyen-Orient (CMEC), a demandé à ce que les organisations d’Amis d’Israël liées à tous les principaux partis du Royaume-Uni divulguent leurs arrangements en matière de financement.
« Il y a des questions sérieuses à poser, a déclaré Swires à MEE. Cela soulève un tas de problématiques à un tas de niveaux différents. Le Conseil conservateur pour le Moyen-Orient est une organisation dûment affiliée au Parti conservateur. Nous devons donc respecter les paramètres des dons des sociétés et des dons individuels comme le fait le parti lui-même. »
« Si l’on compare cela aux CFI, aux LFI, aux Amis libéraux-démocrates d’Israël, nous avons toujours pensé que cela était entouré de mystère – car ils ne sont pas officiellement accrédités auprès de leur parti respectif. Je pense que le moment est venu pour ces organisations de se dévoiler au public et de révéler comment elles sont financées et d’où elles sont financées. »
Ce dimanche, le Parti travailliste a demandé une enquête approfondie sur les agissements de Masot, après que le gouvernement a déclaré ce samedi qu’il considérait que l’affaire était « close » suite aux excuses présentées à Duncan par Mark Regev, l’ambassadeur israélien.
« La révélation de discussions d’un agent de l’ambassade d’Israël cherchant à faire tomber ou à discréditer un ministre au gouvernement et d’autres députés en raison de leurs opinions sur le Moyen-Orient est extrêmement inquiétante », a déclaré Emily Thornberry, ministre des Affaires étrangères du cabinet fantôme travailliste.
« Toute ingérence inappropriée d’autres États dans notre politique démocratique est inacceptable quel que soit le pays concerné. Il n’est tout simplement pas suffisant que le Foreign Office déclare que l’affaire est close. C’est une question de sécurité nationale. »
« L’agent de l’ambassade concerné devrait être écarté et le gouvernement devrait lancer une enquête immédiate sur l’étendue de cette ingérence inappropriée et exiger que le gouvernement israélien y mette fin. »
L’appel du Parti travailliste à la tenue d’une enquête a été appuyé par le Parti nationaliste écossais (SNP) ainsi que par plusieurs députés conservateurs de haut rang.
« Nous ne pouvons pas voir Israël agir au Royaume-Uni avec la même impunité que celle dont il jouit en Palestine », a déclaré Crispin Blunt à MEE.
« Il s’agit clairement de l’ingérence la plus obscure et déshonorante dans la politique d’un autre pays. »
« C’est une affaire aussi sérieuse que celles impliquant les services du renseignement soviétiques, qui se permettaient de suborner la démocratie et de s’immiscer dans son processus de fonctionnement normal », a indiqué Nicholas Soames, un autre député conservateur, dans des propos accordés à Peter Oborne de MEE.
Écrivant de manière anonyme dans le journal Mail On Sunday, un ancien ministre du gouvernement de l’ancien Premier ministre David Cameron a déclaré que la politique étrangère britannique était « prise en otage par l’influence israélienne au cœur de notre politique ».
« Depuis des années, les CFI et les LFI travaillent avec – et même pour – l’ambassade d’Israël pour promouvoir la politique israélienne et contrecarrer la politique du gouvernement britannique et les actions des ministres qui tentent de défendre les droits des Palestiniens. »
L’ambassade d’Israël a tenté de minimiser l’importance de Masot en le qualifiant d’« employé subalterne de l’ambassade » dont les propos étaient « totalement inacceptables »
Elle a précisé qu’il allait « terminer très prochainement son contrat de travail à l’ambassade ».

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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Les « opérations noires » d’Israël contre les gouvernements étrangers sont immorales et paranoïaques

L’état d’esprit dominant au sein du gouvernement israélien est que le « monde est contre nous ». Mais laisser des gens comme Shai Mosat calomnier des politiques étrangers ne peut que mal tourner.
Yossi Melman, Middle East Eye, mardi 10 janvier 2017
Lorsqu’on a appris qu’un responsable d’ambassade israélienne conspirait pour « faire partir » des députés, le principal suspect fut le ministère israélien des Affaires stratégiques. Ces derniers mois, ce ministère a été chargé de combattre ce que le gouvernement israélien de droite considère comme des responsables et des politiques « anti-Israéliens » dans le monde entier.
Toutefois, il s’est avéré que le responsable qui a été filmé, Shai Masot, était en fait employé par le ministère israélien des Affaires étrangères.
C’est d’autant plus embarrassant : le ministère des Affaires étrangères est considéré comme un îlot de valeurs libérales, de modération et de raison dans la mer en pleine expansion des gens de droite contrôlant la bureaucratie israélienne.
Masot n’est pas un diplomate. Il a servi en tant que major dans la marine israélienne puis a été transféré dans l’unité de liaison de l’armée israélienne avec l’Autorité palestinienne.
Là-bas, il était chargé d’un département international, responsable des fonctionnaires et des diplomates étrangers visitant Gaza et les postes-frontières israéliens qui y conduisaient.
Il y a sept ans, il a quitté l’armée et a commencé à travailler pour Miri Regev, alors députée de droite et aujourd’hui véhémente et provocante ministre de la Culture et des Sports.
Il y a trois ans, Masot a déménagé à Londres et fut embauché à titre non diplomatique comme assistant d’Ethan Naeh, chargé d’affaires et numéro deux de l’ambassade. Dans le langage bureaucratique israélien, un tel poste est connu sous le nom de « travailleur local israélien ».
Toutes les missions diplomatiques israéliennes dans le monde emploient des centaines de travailleurs ayant un statut similaire en plus du millier de diplomates qualifiés et formés qui jouissent d’une immunité diplomatique complète.
Masot a été surpris en train de parler en octobre dernier à Maria Strizzolo, une fonctionnaire qui fut l’assistante d’un ministre conservateur. La conversation ciblait spécifiquement Alan Duncan, le ministre adjoint aux Affaires étrangères britannique, en raison de son opposition à la construction de colonies israéliennes.
L’ambassadeur israélien, Mark Regev, s’est excusé auprès de Duncan vendredi et a précisé que « l’ambassade considérait ces propos totalement inacceptables ».
Cependant, on ne sait pas précisément si Masot était à l’initiative de cette réunion et si les idées qu’il a exprimées étaient les siennes ou si son patron était au courant et approuvait.
En raison de la violation du protocole diplomatique, le ministère israélien des Affaires étrangères a décidé de mettre fin à son contrat de travail.
Néanmoins, la réaction rapide et chirurgicale ne peut cacher le fait que le comportement de Masot semble représenter quelque chose qui pénètre de plus en plus profondément dans de nombreuses parties du gouvernement et de la fonction publique israéliens.

« Travail secret, sous les radars »

Il existe un état d’esprit dominant qui répand largement l’idée paranoïaque que « le monde entier est contre nous » et la tendance à assimiler l’opposition à l’occupation israélienne de la Cisjordanie palestinienne et sa politique de colonisation à de l’« antisémitisme ».
Ces notions sont particulièrement exprimées par Netanyahou, qui a récemment riposté contre les Nations unies qui ont soutenu une résolution du Conseil de sécurité dénonçant les colonies.
Netanyahou a ordonné le rappel des ambassadeurs israéliens de certains de ces États, a annulé une visite du Premier ministre ukrainien et a arrêté le financement israélien partiel de l’ONU ainsi qu’un projet d’irrigation en Afrique.
La même attitude préside la décision de Netanyahou de confier au ministre de la Sécurité intérieure, Gilad Erdan, la direction du ministère des Affaires stratégiques et la lutte contre les « anti-Israéliens ».
À cette fin, le gouvernement a alloué un budget de près de 50 millions de dollars – dont la moitié consacrée aux « opérations ».
Pour remplir sa mission, le ministère des Affaires stratégiques a désigné comme directrice générale l’ancien général de brigade Sima Vaknin-Gil, ancienne directrice de la censure de l’establishment de la défense. Elle a recruté d’anciens agents des renseignements pour travailler pour le ministère et a déclaré à la Knesset que « notre travail doit être secret et sous les radars ».
L’objectif principal du ministère des Affaires stratégiques est le BDS – la campagne internationale lancée il y a dix ans par un activiste palestinien pour le « boycott, [le] désinvestissement et [la] sanction » d’Israël mais, au vu de l’incident diplomatique londonien, il semble qu’il agit plus largement contre quiconque serait défini par le gouvernement israélien comme un « anti-Israélien ».
Certains Israéliens, moi y compris, ont mise en garde il y a plusieurs mois le gouvernement contre l’idée même de mener « opérations noires », ce qui inclurait des campagnes de diffamation contre des fonctionnaires, des diplomates, des politiques ou des militants étrangers.
De telles actions ne sont pas seulement immorales et opposées à l’étiquette diplomatique, elles portent également atteinte à la souveraineté des gouvernements étrangers et elles peuvent aussi se retourner contre Israël et lui causer plus d’ennuis vis-à-vis de la communauté internationale.
Yossi Melman
 commentateur spécialiste de la sécurité et du renseignement israéliens. Il est co-auteur de Spies Against Armageddon.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation